Internet n'a rien changé
Ce n'est pas cette fois-ci qu'Internet aura changé la donne. Il n'y aura pas eu d'Etienne Chouard. Cette élection voit le retour de la politique traditionnelle avec la participation massive et physique des citoyens-électeurs aux meetings de campagne comme aux deux tours de scrutin. Beaucoup comparent cette élection à celle de 1981 ou même de 1965, c'est dire une époque bien ancienne. Comme je pense que la politique et les élections au suffrage universel sont plus importants que le Web, 2.0 ou non, je me suis réjoui de ce retour de la participation.
L'élection présidentielle française est une élection, dont le premier tour à la proportionnelle intégrale, permet de sélectionner les deux postulants au deuxième tour, qui désignera le vainqueur final. 12 candidats ont droit à un temps de parole équivalent. A l'évidence, certains ne sont là que pour les subsides ( 800 00 Euros par candidat n'ayant pas atteint la barre des 5%) ou pour un accès subventionné aux médias nationaux, sans aucune ambition présidentielle réelle. Mais il serait injuste d'en préjuger : ils ont donc droit au même traitement que les "gros" candidats. Beaucoup parient sur Internet comme contre-pouvoir au système médiatico-politique. Il a très bien joué ce rôle lors du référendum européen, où l'ensemble de la presse et des "élites" étaient manifestement à contre-courant de l'expression de beaucoup de Français. La démonstration en a été faite lors du vote qui a suivi.
Il se trouve que cette fois-ci le vote correspond à la thématique et aux débats qui ont animé les médias traditionnels. Les chiffres sont là, alors que les manoeuvres souterraines et les complots ne sont jamais démontrés. On se contentera des faits, c'est plus simple et plus sûr. Tout ça ne condamne pas Internet en tant qu'expression démocratique. Les centaines de milliers de voix qui s'y expriment forment une garantie supplémentaire et un garde-fou contre toute tentative de confiscation. Il faut juste se réjouir du retour à la réalité des modes d'expression traditionnelles, peut-être sous la pression d'Internet et du souvenir cuisant du référendum européen.
François Bayrou a hurlé au complot médiatique qui aurait préempté le choix des Français en imposant le duel Sego-Sarko. Il a rapidement trouvé un soutien dans la blogosphère qui garde la nostalgie d'un candidat "anti-système" qui aurait été SON candidat. Quand celui-ci a commencé à grimper dans les sondages, il retrouva vite le chemin des médias traditionnels qu'il accusait quelques semaines auparavant. Il finit par un vrai succès dans les urnes. Succès qu'il est en train de gaspiller dans sa logique de pouvoir personnel sur un parti qu'il préfère réduit à sa dévotion plutôt que rassemblé, mais partagé avec d'autres. On le reverra dans 5 ans dans une démarche anti établissement pas si éloigné que ça de celle de Le Pen.
J'ai été très interessé par la démocratie participative de Ségolène Royal. Il semble bien qu'elle s'en soit servie comme d'un piédestal à sa candidature bien plus que de base à un programme qu'elle n'a cessé d'improviser au fur et à mesure de sa campagne. Le désir d'avenir n'est jamais né. Il y a peut-être un problème de fond dans cet échec . On a vu aussi les limites de cette méthode à l'occasion des émissions de TF1 "J'ai une question à vous poser".
Internet est un contre-pouvoir, un de plus qui vient s'ajouter aux autres. C'est un contre-pouvoir d'expression, de réaction, de protestation et de vigilance. Certains veulent y voir un 5ème pouvoir tout en lui refusant d'ailleurs de participer à des compétitions électorales qualifiées de stérile. Dès que les médias se prennent pour un quatrième pouvoir, ils perdent du même coup tout leur sens de canal d'expression, perdent toute crédibilité, sans rien gagner en terme de pouvoir agissant. Une fois de plus le referendum européen en est l'illustration. Internet tomberait dans le même piège en se prenant pour un cinquième pouvoir. Il est heureux que ces élections n'ait pas permis de donner corps à cette illusion.
Finissons sur notre nouveau Président. Comme chacun le sait, il se repose et réfléchit sur le yacht de Vincent Bolloré. J'ai trouvé tout à fait bienvenu qu'il se donne quelques jours de calme après une telle tension. Mais comment peut-on être aussi désinvolte après avoir montré un tel professionalisme tout au long de cette campagne ? Comme je ne crois pas à une quelconque provocation, je mettrais ça sous le compte de la bêtise, tout simplement. On a tous ces moments là, et Nicolas Sarkozy aussi. Mais il va falloir qu'il comprenne rapidement que les vacances d'un Président, c'est à Brégançon (où l'on s'emmerde royalement présidentiellement paraît-il) ou dans la maison de campagne. Sinon, on est plus discret : ça s'apprend aussi.