Français Votez pour moi
Difficile en ce moment d'échapper aux émissions politiques. C'est ainsi qu'hier soir je me retrouve, un peu par hasard, au milieu de "Français votez pour moi" .

Un court reportage était consacré aux fonds d'investissement à travers l'exemple de Monsieur Gilles Roland. Monsieur Gilles Roland est le Président Fondateur de Fin'Active, un fond d'investissement spécialisé dans l'achat, le redressement et la revente d'entreprises en difficulté. A suivre ce reportage, pas de doute sur la victime désignée de cette soirée. Tout accuse Monsieur Gilles Roland comme le "salaud" de service qui dépèce les entreprises pour en sucer le sang au plus vite avant de tout revendre avec une belle plus-value au passage. Mais Monsieur Roland était là, et jamais je n'ai été aussi frappé par le déplacement des certitudes.
Il y avait aussi Marie-Georges Buffet dont le Parti fut naguère le représentant et le seul interprète autorisé d'autres certitudes. Ah ! la belle époque où l'on était certain du sens de l'histoire, où l'on pouvait décrypter le dessous des cartes avec cette bonne vieille grille de lecture hegelo-marxiste. Comme il était simple d'interpréter les guerres à la lumière des conflits d'intérêts capitalistes. Tout était clair alors, pourvu que l'on ait le bon code et les bonnes clés de déchiffrement des contradictions du capitalisme. Certes on se vivait exploité, mais avec la certitude d'être dans le sens d'une inéluctable Histoire qui verrait un jour le triomphe de ses idées, avec la certitude de faire partie de cette avant-garde qui avait les moyens de comprendre et d'agir, pour accélérer le mouvement vers la libération révolutionnaire. Le vrai pouvoir finirait par revenir aux mains des travailleurs, l'avenir était, sinon radieux, en tous cas écrit et de toutes façons meilleur que le passé et le présent.
Mais non, Madame Buffet représente un parti qui n'ose même plus dire son nom. Et c'est toute intimidée qu'elle interrogea Monsieur Roland sur le rôle de l'entreprise et si vraiment il n'y avait pas moyen de traiter les salariés (on n'ose plus parler de travailleur) comme une "variable d'ajustement".
Les certitudes ont changé de camp. C'est en effet mon métier répond tranquillement Monsieur Gilles Roland. J'investis dans des entreprises en difficulté, je prends donc des risques et j'en attends un retour légitime en terme de bénéfices.
- Mais vous détruisez de l'emploi au passage. C'est toujours l'emploi qui est la variable d'ajustement.
- Je peux en supprimer à court terme et en créer à long terme, mais de toutes façons ces entreprises étaient condamnées et je les sauve de la disparition.
On comprend bien que le monde de Monsieur Roland est un monde où le travail salarié est une charge comme une autre. Ni plus ni moins importante qu'une autre, mais sans aucune connotation sentimentale.
Ce n'est tout simplement pas le sujet, ni le métier de Monsieur Roland.
Le dialogue s'arrête là. Mais quel contraste entre cette tranquille assurance de Monsieur Gilles Roland qui a les clés et le pouvoir permettant d'agir sur notre économie capitaliste et le désarroi des anciens maîtres de LA solution qui ne peuvent plus que faire appel à la compassion, faute d'outils d'analyse et d'action sur un monde qui leur échappe. C'est bien le drame de la gauche "alternative". Elle n'a plus pour programme que d'interdire les licenciements et de revenir à un équilibre capital/travail des années 70. L'avenir de l'extrême gauche est dans le retour aux années Giscard ! C'est dire sa défaite totale dans la bataille des idées. La gauche n'a jamais eu le pouvoir économique, elle a parfois eu le pouvoir politique et pendant très longtemps elle avait le monopole du pouvoir culturel. Elle a tout perdu, et elle n'a même pas le début d'une proposition alternative. Ce n'est une bonne nouvelle pour personne.