Professionnels - Amateurs : c'est toujours la même histoire
Polit'bistro est un nouveau blog qui s'occupe de sciences politiques, blog que j'ai repéré grâce à Arthur Goldhammer qui tient le blog French Politics, dont le titre dit tout de son sujet.
Polit'bistro commente un article du Monde , article qualifié de torchon. Un torchon article sans grand intérêt qui reprend l'éternellle distinction entre le journaliste professionnel, sérieux, fiable, encarté et le bloggeur amateur, égocentrique et imprévisible. Peu importe le fond de cet article qu'on a déjà lu 10 000 fois ailleurs, mais qui n'est pas plus mauvais que d'autres. De toutes façons, sur ce sujet, il vaut mieux aller chez Narvic.
Ce qui intéresse Polit'bistro, c'est le phénomène sociologique qu'on lit à livre ouvert derrière ce type d'article, ce que les anglo-saxons appellent le boundary-work, ou comment une corporation se défend contre les tentatives d'intrusion. Il s'agit pour cette corporation de construire tout un ensemble de règles, de coutumes et de critères qui n'appartiennent qu'à elles et lui permettent de rejeter tous ceux qui exercent une activité similaire, mais sans respecter ces règles. Le journaliste se proclame donc professionnel suivant des règles déontologiques qui marquent sa différence avec les bloggeurs forcément incontrôlables.
Ce n'est pas forcément négatif qu'il existe ce genre de frontière entre les professionnels et les amateurs. On aime bien que son médecin soit effectivement docteur en médecine et n'ait pas volé ses diplomes. On est rassuré si le pilote a déjà quelques heures de vols.
Ce qui est intéressant dans la réaction, de type réflexe, des journalistes face au phénomène des blogs, c'est qu'elle reproduit exactement ce type de discours de la corporation bien installée face à la menace d'une concurrence montante.
On a vu ça de multiples fois :
- Dans les années 60 lorsque la vague des chanteurs “yéyé” était taxée de braillards incultes par les gloires déclinantes de la “chanson française” à texte.
- Dans les mêmes années 60 lorqu’on parlait de l’économie montante du Japon. A l’époque on en parlait comme de purs copieurs qui produisaient des montres au kilo, incapables de toute innovation.
- C’est exactement le même discours qui est tenu aujourd’hui à l’égard de la Chine, où l’on cherche à se rassurer en faisant mine de croire qu’on leur délègue la simple fabrication, mais que la conception, le savoir faire, et donc l’intelligence reste chez nous.
Le journalisme officiel et encarté ne peut que réagir de cette manière face à la montée de nouveaux moyens d’expression qui menacent son monopole. Dans le futur, il sera intéressant d’observer si les blogs eux-mêmes ne seront pas classifiés en blogs sérieux, influenceurs, professionnels, et le reste. C’est déjà fait en ce qui concerne les skyblogs, rejetés dans les ténèbres de l’expression adolescente sans contenu ni intérêt. Y a-t-il un bloggeur sérieux qui ne parle des skyblogs dans les mêmes termes et avec les mêmes réflexes que ce journaliste à l’égard des blogs ?