Outreau sur Sarthe : L'affaire Leprince
La justice, quand elle a trouvé un coupable, ne cherche plus la vérité. C'est Outreau, et c'est l'affaire Leprince.
Il y A 13 ans que Dany Leprince s'est accusé du meurtre de son frère Christian.
La femme de celui-ci Brigitte et leurs deux filles, Audrey et Sandra seront également assassinées. Seule la dernière, Solène, échappera au carnage. Dany Leprince est aussi accusé par sa femme Martine et sa fille Celia. Ca fait beaucoup. Sauf que sa femme comme sa fille ne l'ont pas accusé lors de leur première déposition et racontent d'abord une soirée ordinaire. La mémoire leur revient et elles affirment avoir vu Dany frapper son frère, mais jamais Brigitte ni ses deux filles.
Les deux frères habitent deux maisons voisines de quinze mètre à Thorigné-sur-Dué, dans la Sarthe. Dany est agriculteur. C'est un travailleur acharné, mais les affaires ne marchent pas très bien. C'est pour ça qu'il a un deuxième travail à l'abattoir de la Socopa à Cherré à quelques kilomètres de là. Il se lève tous les jours à 2h30 du matin pour travailler à l'abattoir, puis il continue sa journée à la ferme. Son frère Christian est aussi un gros travailleur, mais il est dans un meilleur secteur. Il est carossier. Il a réussi, il n'a pas besoin d'un deuxième emploi ni de travailler le dimanche.
Les deux frères s'entendent bien. Christian a même prêté 10 000 francs à Dany. La reconnaissance de dettes a été retrouvée, bien en évidence, au milieu des corps ensanglantés, pour mieux accuser Dany. Sauf que personne n'a jamais entendu dire ni affirmé que Christian ait réclamé le remboursement de cette dette. Et d'ailleurs, si Dany avait des difficultés financières, il n'était pas pour autant au bord de la banqueroute.
Le 4 septembre 1994, c'est un carnage innommable dans la maison de Christian. Christian, sa femme Brigitte et deux de leurs filles Audrey et Sandra sont littéralement déchiquetés par une arme de boucher : une feuille, mais aussi un couteau à désosser.
Le 5 septembre, Martine, la femme de Dany, raconte une soirée ordinaire. Son mari Dany est rentré des champs vers 21 heures, a dîné et s'est couché pour se réveiller le lendemain à 2h30 pour aller à son travail à la Soopa. Elle-même s'est couchée à 23h sans avoir rien remarqué. Sa fille Celia raconte la même histoire.
Le 9 septembre à 22h 55, Martine affirme avoir vu son mari frapper Christian avec un objet brillant. Elle crie : "arrête, arrête !" rentre dans la maison de Christian pour y trouver Brigitte, Audrey et Sandra mortes. Elle ne cherche pas la dernière fille Solène. Puis elle rentre chez elle regarder la télé ( Culture Pub ) et va se coucher. Son mari était déjà endormi.
Pendant ce temps, depuis le 7 septembre, Dany est en garde à vue. Il avoue la meurtre de Christian à la 46ème heure de garde à vue, le 9 septembre également. Avant, après l'accusation de sa femme que les gendarmes lui auraient assénée ? Les horaires ne sont pas clairs. En tous cas, il n'avoue pas et n'avouera jamais le meurtre de Brigitte et de ses deux filles.
C'est fini. Il y a eu aveu, accusation. On ne cherche plus. Et pourtant :
- On ne trouvera jamais aucune trace de Dany dans la maison de Christian
- On ne trouvera jamais aucune trace de sang sur les vêtements dont on est certain qu'il les portait ce soir-là
- On trouvera des traces de chaussures Dr Martens qui ne lui appartiennent pas
- Des empreintes marquent le passage de 2, peut-être trois personnes
- 24 scellés sont restés non analysés
- Personne ne comprend comment Solène a pu échapper au massacre. Martine affirme l'avoir emmenée chez la grand-mère puis ramenée chez elle. La grand-mère nie ces faits
- Dany affirme avoir pris la fameuse feuille le 4 septembre au soir, alors que sa femme dit qu'elle l'a prêté deux jours auparavant
Aucun fait matériel n'accuse Dany Leprince. Il a été condamné sur ses aveux, qu'il a rétractés, et sur les accusations de sa femme et de sa fille. Jugé en décembre 1997, il est condamné à perpétuité assortie de 22 ans de sûreté. Dix ans plus tard, sa mère s'est suicidée.
A la suite d'un reportage réalisé par Nicolas Poincaré qui cosigne ce livre avec Roland Agret, un complément d'enquête a été ordonné par la Cour de cassation. On attend toujours les résultats.
Pas de mobile, pas de faits, pas de preuves matérielles, un dossier baclé. Dany Leprince doit être rejugé.
Pour plus d'informations, allez sur Le site de l'affaire Leprince ou procurez vous le livre de Roland Agret et Nicolas Poincaré
Correction : Cette note du 10 février a été corrigée le 2 avril pour prendre en compte les remarques d'Audrey du 1er avril que l'on peut lire en commentaire de cette note :
Le premier texte était :
"Il y A 13 ans que Dany Leprince s'est accusé du meurtre de son frère Christian, de la femme de celui-ci Brigitte et de leurs deux filles, Audrey et Sandra. " (...) "Il avoue la meurtre de Christian à la 46ème heure de garde à vue, le 9 septembre également. Avant, après l'accusation de sa femme que les gendarmes lui auraient assénée ? Les horaires ne sont pas clairs. En tous cas, il n'avoue pas et n'avouera jamais le meurtre de Brigitte et de ses deux filles"
Il y avait donc contradiction sur la nature des aveux de Dany Leprince. Celui-ci n'a bien avoué que le meurtre de Christian. Aveu qu'il a rétracté par la suite. Quant à sa femme Martine, elle ne l'a également accusé que de ce meutre là et pas des autres. Du fait ce cette première accusation, les gendarmes ont imputé à Dany Leprince la responsabilité de tout le massacre, mais aucun aveu, ni accusation de témoins ne fait état des autres victimes.