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René de Beauregard

  • Gilets jaunes, toujours

    Comme les « actes » se suivent et se ressemblent, tous les samedis, avec la même cohorte d’images de manifestants jaunes et de policiers cuirassés de noir, le gouvernement, par la voix d’Édouard Philippe, a décidé de pondre une nouvelle loi. Ce qui est bien, en France, c’est que lorsque le gouvernement pond une loi, on ne se pose même pas la question de savoir si elle va être adoptée au Parlement. C’est une évidence qu’on ne discute même pas. Je n’ai pas le détail de la loi en question si ce n’est que l’on va ficher encore un peu plus des individus décrétés dangereux et qui seront interdits, a priori, de manifestation.

    Il y a, bien sûr, des casseurs et des pilleurs professionnels parmi les gilets jaunes. Sont-ils des « vrais » gilets jaunes ou portent-ils juste l’uniforme pour profiter de l’aubaine du samedi ? Peu importe, à vrai dire ; ils existent. Mais s’il n’y avait pas de manifestations, samedi après samedi, on ne les verrait pas, si bien qu’ils ne sont qu’un effet de bord, d’une question beaucoup plus profonde.

    Donc, le gouvernement se trompe à vouloir traiter l’effet secondaire sans traiter la cause. Je doute d’ailleurs qu’il puisse le faire. Tout cela vient de trop profond. Moi-même, qui suis loin du revenu moyen d’un gilet jaune, je partage l’exaspération accumulée depuis des années face à cette arrogance, ces éternelles leçons de morale, cette traque à l’automobile, cet acharnement fiscal, ce mépris de la province. Ma vie actuelle n’a pas grand-chose à voir avec celle du petit artisan de province ou de l’aide-soignante. Et pourtant, comme assourdi par mes conditions de vie plutôt confortable, je ressens le même découragement, la même résignation. Et puis non ! Tout à coup, on n’en peut plus et ça explose, sans raison, sans plan, sans idée claire dans une sorte de rage incontrôlée, injuste, mais qui emporte tout et surtout qui libère, qui détend, qui réchauffe.

    Que peut faire cette équipe de techniciens, d’énarques froids ? Que peuvent-ils penser d’autre que de se rengorger dans leur mépris du peuple qui ne sait pas ce qu’il veut, qui ne sait pas compter, qui veut tout et son contraire. Un bon esprit comme Jacques Julliard est exactement dans cet état d’esprit, alors qu’il n’est qu’observateur. Que peuvent-ils donc ces ministres, le premier d’entre eux, et leur président ? Dans le meilleur des cas, les plus lucides sont conscients que ce ne sont pas des mesures techniques - les seules qu’ils peuvent imaginer – qui règleront le problème. Les autres se disent qu’ils ont bien raison d’attendre que l’orage passe, comme le caprice de l’enfant qui trépigne sur sa chaise haute.

    Mais rien n’y fera, la haine accumulée n’est pas assouvie. Les coups de menton des uns et des autres, les images complaisamment passées en boucle des diverses violences ne font qu’exaspérer encore plus. Ce mouvement est suicidaire et désespéré, il s’alimente de son propre haine, haine des puissants et haine de soi-même dans l’impasse de vies « shutdown » exclues de la « startup nation » et qui viennent faire le coup de poing dans la grande ville disruptive.

    À vrai dire, je ne vois que le retour au peuple qui permette de résoudre la crise. Le parlement actuel ne représente rien. Le nombre de députés des différents partis est complètement disproportionné. Une majorité qui n’a pas le droit de voter d’amendement qui ne viendrait pas d’elle-même, des commissions d’enquête caricaturales de mauvaise foi, tout ça n’a plus aucun sens ni légitimité. Il faut dissoudre le parlement. Naturellement, Emmanuel Macron n’y recouvrira qu’en dernier ressort. Sa majorité actuelle, qui vote au coup de sifflet, est bien trop confortable. Il faudra bien, pourtant, qu’il s’y résolve.

  • Les gilets jaunes

    Ce mouvement vient de la province, ce n’est pas une insurrection ou une révolte parisienne comme l’étaient tous les autres mouvements de l’histoire de France. De 1789 à 1968, c’est le pavé parisien qui mettait le feu aux poudres, suivi par la province, de loin sans rien décider, sans influence sur l’histoire. Aujourd’hui, c’est la province qui monte à Paris libérer sa colère, c’est la province qui fait l’histoire. Autrefois Paris imposait sa loi et ses révolutions aux provinciaux conservateurs qui détestaient le désordre et  qui ne souhaitaient rien si ce n’est  qu’on leur fiche la paix. Aujourd’hui c’est un Paris embourgeoisé jusqu’à la caricature qui craint la province venue envahir ses voies piétonnes et ses marchés bio. Je voyais un reportage de M6 qui suivait des manifestants. À un moment, l’un d’entre eux disait « on va leur montrer qui on est à Perpignan ». Ils renversaient, puis brûlaient des voitures. Avenue Kléber, à un passant qui tentait de s’interposer, ils répliquaient que ceux qui avaient les moyens d’habiter là avaient bien les moyens d’en racheter une autre.

    C’est la haine de la province méprisée contre tout ce qui est parisien, gouvernement, hommes politiques, journalistes, et habitants confondus dans un même sac de bienpensants moralistes. La veille de la manifestation, l’Assemblée nationale voyait un texte d’interdiction de la fessée !

    C’est une révolte qui vient des taxes. C’est la révolte de ceux qui fument des clopes et qui roulent au diesel suivant l’expression du pauvre Benjamin Grivaux. Il ne croyait pas si bien dire. C’est la révolte de ceux qui en ont assez qu’on leur fasse la morale, parce qu’ils fument, boivent parfois trop, et font beaucoup de kilomètres. La révolte de ceux qui ne supportent plus le harcèlement continuel qui pourchasse les automobilistes : la limitation de vitesse à 80 km/h, les radars, les PVs, le stationnement, les péages d’autoroute. Tout cet arsenal répressif au nom de la sécurité ou de l’écologie et  qui remplit les poches de l’État quand ce n’est pas celles de sociétés privées auxquelles on délègue les tâches de rançonnement.

    Quand on donne 5 milliards aux plus riches pour aller chercher la perte de recette en augmentant la CSG des retraités, quand on maintient le cap vers une destination inconnue, quand on décrit la France comme une « startup nation » qui n’aurait ni culture ni histoire si ce n’est celle de ses crimes, quand on ment effrontément sur la fiscalité écologique qui finance tout sauf l’écologie, quand on fantasme une chemise brune sous le gilet jaune, quand enfin on ne cache pas son mépris pour la France des campagnes et des petites villes, alors ceux qui n’en peuvent plus de l’arrogance des puissants sont prêts à s’enflammer à l’étincelle de la taxe de trop, du mot de trop, du désespoir de trop.

    Je  ne sais pas comment tout cela va se poursuivre. Je ne sais pas ce que va dire ou faire Macron. Probablement qu’il ne le sait pas lui-même. Comme il veut se forger une image à la Thatcher qui ne cède pas, il maintiendra son cap, en pariant sur la lassitude des gilets jaunes, leur fatigue et le retournement de l’opinion qui condamne les violences. Cela lui a si bien réussi face à la SNCF, il s’imagine sans doute qu’il réussira là aussi, là où tous les autres, qu’il méprise, ont reculé. S’il ne fait rien, s’il maintient son cap, il risque une explosion décidément incontrôlable. S’il recule, il sait que son quinquennat est terminé, qu’il ne lui restera plus que la gestion du quotidien, de la politique rustine et des réformettes fiscales à coup de 2% d’allègement par ci pour 1,6 de taxes  par là.

    Finalement, je parierais qu’il va tenter le passage en force, en espérant que les fêtes de Noël étoufferont la révolte. Il rêve déjà sans doute à ce qu’il dira après, vantant son énergie et son caractère, des acclamations de la presse libérale et de son nouveau titre d’homme de fer.

    En tous cas, pour une fois, on ne s’ennuie pas, en France, à suivre l’actualité.

    P.S. Je ne reconnais pas Jacques Julliard dans l’article lamentable qu’il a laissé passer ce matin dans le Figaro. Critiquer les gilets jaunes parce qu’ils ne sont pas organisés, n’ont pas de leader et ne savent pas ce qu’ils veulent, sauf « passer à la télé » c’est ne pas comprendre qu’on peut être à bout sans pour autant avoir une solution ou un chef pour les porter. C’est d’ailleurs probablement une des causes du désespoir des gilets jaunes. Être conscient qu’ils n’ont pas d’alternatives, pas de programmes, pas de vision, aucune théorie intellectuelle qui porte un horizon même pas radieux, mais au moins existant.

  • Conformisme et soumission

     

    "Le destin des adultes ex-écoliers est de se soumettre aux modes comme ils ont été soumis aux programmes scolaires jadis. On pourrait écrire des pages sur la tyrannie qu'exerce sur un enfant le jugement de la cour de récréation. On devient un esclave davantage par conformisme horizontal que par soumission verticale."

  • La roche Tarpéienne de Carlos Ghosn

    Carlos Ghosn a été arrêté hier à son arrivée à l’aéroport de Tokyo. On ne sait pas précisément de quoi il est accusé, mais on sait par qui, le fisc japonais. On en sait un peu plus sur les conditions de la garde en vue au Japon. Elle peut durer trois semaines, sans avocat, et une seule visite de quelques minutes. Pour la visite, obligation de parler japonais, en présence d’un gardien. Carlos Ghosn le parle un peu – c’est ce qui a sans doute fait une partie de sa popularité au Japon - mais sa femme pas du tout. À propos de popularité, il semble bien que ce ne soit plus qu’un souvenir. Ou alors ce qu’on nous rapportait de celle-ci était peut-être exagéré. En tous cas son ex bras droit chez Nissan n’a pas hésité à porter le couteau et à accabler son ex-patron. J’ai lu qu’il a accompagné Carlos Ghosn tout au long du redressement de Nissan et qu’il avait toute sa confiance. Tout ça ressemble à une tragédie avec cette chute brutale après la gloire et le traître qui enfonce son ancien protecteur.

    Carlos Ghosn apparaissait comme un personnage hors norme. On peut parler d’un véritable grand patron, un de ceux qui change vraiment l’entreprise, qui fait la différence et qui marque son passage. Tout le monde disait que le sauvetage de Nissan était impossible. Et il y a tant d’exemples de rachats, ou de fusions qui échouent que la réussite est l’exception. Or, non seulement Nissan a été sauvé mais il est devenu bien plus rentable que Renault et c’est lui qui tire tout le groupe. Le canard boiteux est devenu le phénix de la famille. Carlos Ghosn en a tiré un immense orgueil qui ne demandait qu’à être encore gonflé. Il s’est attribué des rémunérations himalayennes. Considérant qu’il était PDG de Renault et de Nissan, il avait un double salaire de PDG, mérité d’après lui par son rythme de travail démentiel, aux deux extrémités de la terre entre Paris et Tokyo. Ce genre de personnage titanesque a forcément des ennemis ; il était réputé pour être d’une exigence féroce avec ses collaborateurs. Il en peut-être fait un peu trop et il semble que la « filiale » japonaise supportait de moins en moins bien la férule française.

    Pour être arrêté si brutalement à l’atterrissage, il a bien fallu que des documents sortent de Nissan. On ne sait pas si le Brutus japonais en est à l’origine. En tous cas, il n’a pas hésité à plonger le couteau sur l’homme à terre.

    J’entends à la radio, qu’ici en France, un groupe d’actionnaires va porter plainte contre Carlos Ghosn dont l’arrestation a fait baisser le cours de l’action. Les chacals qui se sont bien portés - tant mieux pour eux - tant que l’action montait, ne veulent pas rater une occasion de se montrer ignobles dès que le vent tourne mal.

  • Cérémonie du centenaire

    Il y avait 70 chefs d’état ou de gouvernement dit-on. Comme d’habitude, Trump s’est distingué par sa vulgarité. Au premier rang des dirigeants, Macron, Trump et Poutine. L’inévitable Merkel trône à côté de Macron. Plus loin, le roi du Maroc, le roi d’Espagne et le premier ministre canadien Trudeau. J’ai vainement cherché les représentants anglais et belges, nos alliés les plus éprouvés et les plus héroïques. Je ne connais pas les représentants serbes. Étaient-ils là, les anglais, les belges, les serbes ? J’ose l’espérer. Pourtant on ne les voit pas. Ont-ils été relégués au dernier rang ? Je n’ose le croire. Je ne vois personne dans la presse qui se demande où sont passés nos fidèles compagnons d’arme de 1914-1918.

    Finalement si. Je vois qu’on s’interroge sur l’absence de la Grande Bretagne dans certains commentaires du Figaro. Mais, on continue d’oublier la Belgique.

    J’enquête un peu plus et voilà ce que je découvre. Au mois d’août, Macron n’avait pas daigné se déplacer en Amiens, sa ville natale, pour accueillir le Premier ministre britannique et le Prince William, héritier du trône, qui venaient se recueillir sur les champs de bataille de la très sanglante bataille de la Somme. Ce qui fait que Theresa May a envoyé un simple membre de son cabinet à la cérémonie. Pour les Belges, je ne trouve rien. Il y avait bien le Grand Duc du Luxembourg mais pas le Roi des Belges, ou alors bien caché, dans un rang subalterne alors qu’on leur doit d’avoir suffisamment retardé l’offensive allemande pour nous permettre de mieux résister à l’offensive de 1914.

    À ce propos, on aussi oublié l’Italie, le cocu de la première guerre mondiale qui s’est joint à notre alliance après des promesses qu’on lui fit et qui ne furent jamais tenues.

    Donc, ce 11 novembre 2018, on ne célèbre pas notre victoire, on rappelle la fin des combats. On veut nous faire oublier qu’il y avait deux camps, un agresseur qui avait envahi le quart de notre territoire et un agressé qui défendait le sol de la patrie. Cent ans après, il n’y a plus que des «morts inutiles » comme je l’ai entendu dire par un commentateur. Il s’agit donc de célébrer la fin du massacre, à parts égales des deux côtés.

    Il faut encore et toujours célébrer la nouvelle amitié franco-allemande et la réconciliation. On est tellement réconcilié qu’on se demande si l’on ne va pas s’excuser de les avoir arrêtés sur les rives de la Marne.

  • Itinérance commémorative

    On ne sait pas quel est le vrai rapport d’Emmanuel Macron avec la France, avec son histoire. Tantôt, il en rappelle les grandes heures et célèbre ses héros. De très beaux discours ont été tenus en l’honneur du Colonel Beltrame ou pour la panthéonisation de Simone Veil. Tantôt il affirme péremptoirement qu’il n’y a pas de culture française, se complait dans la repentance anticolonialiste et va jusqu’à dire que la vraie France était à Vichy en 1942. Il croit peut-être méritoire de traiter l’histoire de France comme l’histoire de n’importe quel pays, avec détachement, objectivité et sans émotion. Il croit opportun d’y porter le regard désincarné de « ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. »

    Voici le centenaire de la victoire de 1918 qu’il refuse de nommer et de célébrer en tant que victoire du peuple en armes et de ses chefs. On demande à l’ex vaincu son accord et sa participation aux cérémonies. Il aurait été sans doute possible de célébrer la victoire d’un peuple rassemblé dans l’épreuve sans avoir peur d’humilier l’ennemi de l’époque. Mais non, on va dénoncer l’absurdité de la guerre, l’inutilité des massacres, le suicide collectif.

    Il reste l’hommage au courage de nos grands-parents, de leur ténacité, à la fraternité des tranchées. On peut au moins s’accorder là-dessus et l’on n’imagine personne qui ne souhaite s’y associer. Une semaine d’hommage pour les 1568 jours de guerre, ce n’est pas trop !

    Eh bien si ! De quoi est-il question lors de cette itinérance mémorielle ? Des taxes à la pompe ! Du diesel, de l’essence et de transition écologique. Non pas que cette question soit mineure, et que la folie taxatrice du gouvernement n’envie rien à celle de ses prédécesseurs. Mais, pour une petite semaine, serait-ce trop demander qu’on se montre à la hauteur du sacrifice des poilus. Ce devrait être la semaine d’hommage à un million et demi de morts, plus de quatre millions de blessés, rien que du côté français. Et c’est la semaine des dix centimes de plus sur le litre de diesel.

    Je ne sais pas qui est responsable de cette profanation. Serait-ce le Président Macron qui aurait voulu profiter de cette semaine pour se refaire une popularité, remonter dans les sondages en profitant de l’émotion du centenaire ? Serait-ce les Français, oublieux du sacrifice de leurs ancêtres, incapables d’oublier quelques instants leur portefeuille ? En tous cas, ce qui aurait dû être l’occasion de réfléchir à ce que peut être le patriotisme en 2018 s’est transformé en concours de récrimination, de demande d’exemption, et donc de concours de déduction, de taux bonifié, de montage fiscal. On croyait rendre hommage aux morts, on a pinaillé sur le prix de l’essence.

  • Victor Hugo au retour des cendres de Napoléon

    1840 : Retour des cendres de Napoléon. Victor Hugo est là. On lit dans « Choses vues » : « Le Requiem de Mozart fait peu d'effet. Belle musique, déjà ridée. Hélas ! La musique se ride ; c'est à peine un art. »

    À peine un art !

  • On dédaigne ce que l'on a ; on le regrette quand on ne l'a plus

    Par exemple Madame de Villeparisis : « Certes, si à un moment donné de sa jeunesse, Mme de Villeparisis, blasée sur la satisfaction d'appartenir à la fine fleur de l'aristocratie, s'était en quelque sorte amusée à scandaliser les gens parmi lesquels elle vivait, à défaire délibérément sa situation, elle s'était mise à attacher de l'importance à cette situation après qu'elle l'eut perdue »

  • Séjour à Doncières

    On se demande un peu l’intérêt de cet épisode relativement long. On a vite compris que le narrateur veut se servir de son amitié avec Saint-Loup pour se rapprocher de la duchesse, peut-être obtenir de lui une invitation. D’ailleurs il le dit clairement : Si vous pouviez dire à votre tante tout le bien que vous pensez de moi, cela me ferait un grand plaisir. On a l’impression que Saint-Loup ne comprend pas vraiment cette demande, qu’il est prêt à y répondre, mais il n’en voit pas l’importance. Pour lui, c’est une tante, qu’il connaît depuis toujours. Il ne voit pas ce qu’elle a de fascinant.

    Mais ce séjour qui dure plusieurs semaines est l’occasion pour le narrateur de rencontrer les camarades de régiment de Saint-Loup. Bizarrement, celui-ci n’est que sous-officier, à son âge, sans doute guère plus que sergent. On a bien du mal à croire qu’avec toutes ses relations et son niveau social, il en soit réduit à ce grade très subalterne. Jusqu’à très récemment, tout jeune homme de bonne famille se devait de faire son service militaire comme aspirant. D’ailleurs, on ne sait pas pourquoi Saint-Loup est à ce régiment. Il y fait son service, ou est-ce un choix de carrière, dans ce cas au-delà du médiocre.

    Bizarrement, on passe de nombreuses pages à parler stratégie militaire. En fait c’est Saint-Loup qui expose ses idées sur le sujet. Mais, quand il parle d’Ulm, de Rivoli ou de Cannes, il en parle comme un officier qui aurait fait Saint-Cyr, formé pour un futur grade de général. Comment un simple sergent pourrait-il s’exprimer tel un stratège à la tête d’une armée, alors qu’il ne commande qu’une dizaine d’hommes. Apparemment, cet épisode aurait été écrit pendant la guerre (vers 1916), il reprendrait des écrits de l’époque. La tonalité générale est que le général en chef, sait très bien ce qu’il fait, qu’il prévoit presque tout et qu’il y a peu d’impondérables. Quand la bataille est finie, elle est facile à décoder pour les connaisseurs. Ce qui est exactement le contraire de ce qu’affirment les théoriciens, de Clausewitz à de Gaulle qui insistent au contraire sur le caractère contingent de la guerre, de son imprévu. Tolstoï était excessif en écrivant que le général, et même l’empereur n’était pour rien dans ses victoires, dues soit au hasard soit à un enchaînement mécanique de circonstances non maîtrisées. Saint-Loup, et Proust avec lui, se méprennent en affirmant que la bataille est sous contrôle et parfaitement prévue et déchiffrée par le général en chef. En tous cas, on a du mal à comprendre l’intérêt de toutes ces pages au milieu de la Recherche. Elles ne serviront plus et n’amènent rien. Inversement, les pages sur l’affaire Dreyfus sont tout à fait à leur place. L’affaire va être en arrière-plan de toutes les discussions politiques et même mondaines des années à venir. Il est donc tout à fait pertinent de commencer à la présenter, à installer les deux camps, à recruter Saint-Loup parmi les dreyfusards quand toute sa famille et tout son milieu sont encore du côté de l’armée.

    Dans un texte sur cet épisode, j’apprends que Proust a fait un service militaire raccourci de un an, au lieu de trois. Pour cela, il fallait payer une certaine somme. Il a fait ce service à Orléans, où il y a une rue Sainte Euverte. D’où la marquise du même nom, tête de turque du baron de Charlus. Dans son régiment, il y avait un capitaine Walewski, petit-fils de Napoléon via Marie Walewska et le comte Armand Pierre de Cholet de noblesse ancienne. On retrouve cette distinction dans l’épisode de Doncières avec le capitaine de Borodino et Saint-Loup. Le narrateur nous montre comment la noblesse de vieille souche ne craint pas d’être familière avec les hommes de troupe avec une distance qui n’a pas besoin de se démontrer, alors que la noblesse d’empire se croit obligé de rappeler son autorité et son grade, ne dialogue avec les hommes que par actes de hiérarchie distinctement rappelée, faute d’une autorité immédiatement ressentie par le subordonné.

  • Nous voulons des coquelicots

    C’est le nom d’une pétition que je ne signerai pas. En voici le texte :

    « Les pesticides sont des poisons qui détruisent tout ce qui est vivant. Ils sont dans l’eau de pluie, dans la rosée du matin, dans le nectar des fleurs et l’estomac des abeilles, dans le cordon ombilical des nouveau-nés, dans le nid des oiseaux, dans le lait des mères, dans les pommes et les cerises. Les pesticides sont une tragédie pour la santé. Ils provoquent des cancers, des maladies de Parkinson, des troubles psychomoteurs chez les enfants, des infertilités, des malformations à la naissance. L’exposition aux pesticides est sous-estimée par un système devenu fou, qui a choisi la fuite en avant. Quand un pesticide est interdit, dix autres prennent sa place. Il y en a des milliers.

    Nous ne reconnaissons plus notre pays. La nature y est défigurée. Le tiers des oiseaux ont disparu en quinze ans; la moitié des papillons en vingt ans; les abeilles et les pollinisateurs meurent par milliards; les grenouilles et les sauterelles semblent comme évanouies ; les fleurs sauvages deviennent rares. Ce monde qui s’efface est le nôtre et chaque couleur qui succombe, chaque lumière qui s’éteint est une douleur définitive. Rendez-nous nos coquelicots ! Rendez-nous la beauté du monde !

    Non, nous ne voulons plus. À aucun prix. Nous exigeons protection.

    Nous exigeons de nos gouvernants l’interdiction de tous les pesticides de synthèse en France. Assez de discours, des actes. »

    Cet appel est accompagné d’un texte explicatif qui part de l’hypothèse que l’on interdirait tous les pesticides et qui cherchent à en analyser les conditions de succès ainsi que les conséquences. Il affirme l’échec de la politique des petits pas, des interdictions ciblées et des moratoires. Une des conséquences de cet échec est la baisse spectaculaire de la population d’oiseaux dans les campagnes, sans doute liée à la baisse du nombre des insectes. Cette baisse est avérée, incontestable ; il semblerait même qu’elle s’intensifie avec la fin des jachères imposées par la politique agricole commune. S’ensuivent une série de défis qu’une reconversion totale de l’agriculture vers le modèle bio devra relever. D’après l’auteur : « la colossale quantité d’énergie politique qu’il faudrait y déployer incite de fait à identifier au préalable les principaux freins à la transformation qu’il s’agit de faire sauter. Et sans grande surprise, ceux-ci ne sont pas tant techniques que socio-économiques. » Personnellement, je n’ai pas encore compris quelle est la gamme de solutions techniques qui remplaceraient l’agriculture productiviste et exportatrice d’aujourd’hui. L’auteur se concentre donc sur d’autres aspects de la question, aspects que je n’avais sans doute pas bien identifiés.

    On commence par le défi commercial puisque l’agriculture française exporte les trois quarts de sa production et importe une somme légèrement inférieure de produits agro-alimentaires. Comme on ne pourra pas imposer que nos importations ne contiennent aucun pesticide, il s’agira donc de réorienter l’agriculture française vers un modèle autarcique et autonome. On a du mal à mesurer les conséquences d’un tel retournement qui implique forcément de mettre en œuvre des barrières douanières et même l’interdiction de la majorité des produits agricoles encore aujourd’hui importés. De l’autre côté, nos relations avec les pays importateurs, principalement du Moyen Orient pour les céréales risquent d’être compliquées à gérer.

    Le défi suivant est un défi économique, car il s’agit que les agriculteurs puissent vivre correctement dans ce nouveau modèle, or « l’agriculture conventionnelle étant pensée pour produire pour le moins cher possible, une agriculture sans pesticides couterait sans doute plus cher à la production. » J’aime bien, si l’on peut dire, le « sans doute », car remplacer le désherbage chimique par, par quoi en fait, si ce n’est quelques techniques de binage, implique de faire appel à une main d’œuvre chère, même payée au SMIC, comme a l’air de le préconiser le document. En plus, les pesticides ne servent pas qu’au désherbage, mais aussi au traitement des maladies et à la lutte contre les insectes nuisibles. On supposera donc que ce ces nuisances disparaîtront d’elles-mêmes avec l’agriculture biologique ; ce qui n’est pas prouvé.

    Continuons avec le défi social, car il faut à la fois garantir un prix de vente suffisant pour les agriculteurs et un prix d’achat supportable par les consommateurs. Tout ça ne peut être réalisé que par le biais de subventions massives que l’auteur ne chiffre pas.

    D’un point de vue technique, la revue Sciences et Avenir rapporte que « de très nombreuses études ont exploré les différences de rendements entre agricultures bio et conventionnelle. Réunies dans des méta-analyses, ces travaux indiquent qu'en moyenne le bio est entre 8 et 25% moins productif. Avec de grandes variations entre plantes. Le riz, le soja, le maïs, le trèfle bio ont des rendements inférieurs de 6 à 11% mais les progrès dans les sélections de variétés laissent espérer une rapide égalité. En revanche, l'écart reste de 28% pour les fruits et de 27% pour le blé. Une autre étude globale estime même à 33% la différence de rendement pour le soja, le tournesol et le blé. Les auteurs préviennent que ces études dépendent fortement des conditions agro-écologiques dans lesquelles elles sont effectuées d'où des différences marquées. Mais un consensus émerge sur le fait que les variétés bio sont plus résistantes en condition de sécheresse ce qui devrait arriver plus fréquemment avec le changement climatique. » J’en étais resté à des différences de rendement beaucoup plus importantes. Il reste à mieux connaître l’ensemble des variables de l’équation technico-économique. On compte sur la science, sur la sélection pour rattraper une partie du retard de rendement. Quant à la question des engrais, on compte sur les légumineuses pour les apports en azote, mais je n’ai pas vu de solution convaincante pour le phosphore et le potassium.

    Le texte conclut enfin sur le défi politique. De ce point de vue, il affirme que la question est plus politique que technique. Pour lui « La compétition internationale n’est plus un moyen de stimulation du développement agricole. Elle est devenue au contraire un facteur d’immobilisme et le plus sérieux frein à une transition dont le besoin fait aujourd’hui consensus. » Il faudrait donc inventer un nouveau modèle commercial qui soit compatible avec l’ambition écologique. On voit qu’on est loin du compte.

    Décrit comme je viens de le rapporter, la marche semble tellement haute qu’elle est sans doute infranchissable. Dire que la politique des petits pas n’a rien amené est peut-être un peu rapide, et je ne vois pas qu’il puisse y en avoir une autre. Le tableau de la révolution que représenterait ce projet d’agriculture sans pesticide est tellement radical qu’il déboucherait inéluctablement vers des solutions autoritaires. À vrai dire, la situation n’est pas encore assez catastrophique pour que l’on en vienne à ces extrémités.

  • Proust et un sujet de dissertation

    « Nous sentons dans un monde, nous pensons, nous nommons dans un autre, nous pouvons entre les deux établir une concordance mais non combler l'intervalle. »

    De certains bons écrivains, on est reconnaissant, parfois envieux, qu’ils sachent exprimer clairement ce que l’on pense ou ressent confusément. Pour d’autres c’est la beauté de la phrase ou du vers qui suscite notre admiration. Pour d’autres encore, c’est la manière dont ils mènent leur intrigue, le mouvement du roman qui soutient l’intérêt et l’avidité du lecteur à tourner les pages pour avoir le « fin mot » de l’histoire.

    Avec Proust, rien de tout ça. Il n’exprime pas clairement ce que l’on ressent confusément. D’une part, il n’est pas toujours clair, d’autre part ce ne sont pas des pensées ou des sensations que l’on aurait eues et qu’il dévoilerait pour nous. Nous n’avons jamais ressenti cela, ne l’avons jamais pensé. Là où ne nous voyons sur un tableau qu’un paysage, plus ou moins bien peint, plus ou moins évocateur, sans plus, il distingue les motifs, l’intention du peintre, ses trucs, ses astuces, le jeu des couleurs et des formes que nous ne voyons tout simplement pas. De même pour un morceau de musique, on se contente « d’aimer bien », de trouver ça joli. Lui développe une myriade de sensations, et d’idées. Je ne sais plus quel surréaliste parlait de Lautréamont (ce doit être André Breton) comme de « l'expression d'une révélation totale, qui semble excéder les possibilités humaines”. On pourrait dire la même chose de Proust, sa richesse de vocabulaire, sa profusion de mots répond à la surabondance de détails qui ne sont vus et retranscrits que par lui, invisibles au troupeau qui en aperçoit quelques lueurs par intermittences à l’aide de cette lanterne magique, qu’est pour nous, parfois, Proust.

  • Comment saboter sa position mondaine

    Il faut faire comme le narrateur, être sincère et avouer qu’on a été déçu par un spectacle que tout le monde trouve formidable, ou le contraire, d’aimer ce qui est considéré mauvais. L’important est d’abonder dans le sens du vent, et ne surtout pas chercher à être original, ou alors juste une petite pointe qui rajoute une nuance à l’opinion convenue tout en ne s’y opposant pas.

    « M. de Norpois, mille fois plus intelligent que moi, devait détenir cette vérité que je n'avais pas su extraire du jeu de la Berma, il allait me la découvrir ; en répondant à sa question, j'allais le prier de me dire en quoi cette vérité consistait ; et il justifierait ainsi ce désir que j'avais eu de voir l'actrice. Je n'avais qu'un moment, il fallait en profiter et faire porter mon interrogatoire sur les points essentiels. Mais quels étaient-ils ? Fixant mon attention tout entière sur mes impressions si confuses, et ne songeant nullement à me faire admirer de M. de Norpois, mais à obtenir de lui la vérité souhaitée, je ne cherchais pas à remplacer les mots qui me manquaient par des expressions toutes faites, je balbutiai, et finalement, pour tâcher de le provoquer et lui faire déclarer ce que la Berma avait d'admirable, je lui avouai que j'avais été déçu. »

    C’est plus tard au cours du repas qu’il se fit cette remarque : « Je démêlai seulement que répéter ce que tout le monde pensait n'était pas en politique une marque d'infériorité mais de supériorité. »

    Plus tard, dans la soirée, alors que Norpois était parti, son père lui montre un article de journal fort élogieux sur la prestation de la Berma, si bien que de la déception initiale, le souvenir déçu de la Berma s’effaça pour se transmuer en un moment d’admiration sans restriction : Dès que mon esprit eut conçu cette idée nouvelle de « la plus pure et haute manifestation d'art », celle-ci se rapprocha du plaisir imparfait que j'avais éprouvé au théâtre, lui ajouta un peu de ce qui lui manquait et leur réunion forma quelque chose de si exaltant que je m'écriai : « Quelle grande artiste ! »

    Et de conclure : « qu'on pense encore aux touristes qu'exalte la beauté d'ensemble d'un voyage dont jour par jour ils n'ont éprouvé que de l'ennui, et qu'on dise, si dans la vie en commun que mènent les idées au sein de notre esprit, il est une seule de celles qui nous rendent le plus heureux qui n'ait été d'abord en véritable parasite demander à une idée étrangère et voisine le meilleur de la force qui lui manquait. »

    D’où l’on peut conclure que notre goût est plus formé par la réputation faite par d’autres ayant autorité sur le sujet que par notre jugement propre. Et c’est ainsi que l’on se force à lire Proust dont on n’aurait jamais ouvert un livre si le jugement commun ne nous l’avait pas présenté comme un auteur qu’il faut avoir lu et apprécié. Je suis un bon exemple de ce cas, tout en n’ayant absolument aucune visée mondaine dans ma lecture de Proust dont je ne parle à personne. Il ne me viendrait pas à l’idée d’en parler dans un dîner.

  • Les jeunes filles en fleurs

    Je relis la recherche. Après avoir redécouvert avec plaisir le côté de chez Swann, je me mets à l’ombre des jeunes filles. Pour l’instant, elles ne sont pas là, puisque je dîne avec le marquis de Norpois. Je note çà et là quelques remarques.

    Celle-ci, par exemple, qui montre comment un homme comme ce Norpois compense son rang relativement modeste dans la hiérarchie nobiliaire par sa carrière dans la diplomatie. Alors qu’un duc de Guermantes n’a besoin que de naître pour se trouver dans le haut du panier, il faudra au Marquis de Norpois une fortune colossale ainsi qu’un certain talent dans sa fonction pour faire partie des gens qui comptent. On parle aussi du mariage de Swann avec Odette, qui lui a refermé bien des entrées dans les salons parisiens. Bizarrement, comme l’écrit Proust, c’est après sa mort qu’Odette et sa fille Gilberte pourront, elles, être reçues, alors même qu’elles n’ont plus le passeport Swann pour y être présentées.

    Autre étrangeté, surtout aujourd’hui : le désir du narrateur d’aller voir la Berma dans Phèdre, le refus de son père, pour préserver sa santé fragile, pour finalement lui accorder ce plaisir. On imagine mal aujourd’hui un adolescent qui trépignerait d’impatience d’aller voir Phèdre à la comédie française. En tous cas, notre narrateur est déçu. Il y va, accompagné de sans grand-mère, cherchant désespérément dans l’interprétation de la Berma ce qui justifie sa renommée. Son père est surpris par sa réception alors que sa grand-mère rapportait comment il paraissait passionné, ouvrant béants ses yeux et ses oreilles pour ne rien rater de ce moment. Mais il était à la recherche de ce qu’il ne trouvait pas, de l’extraordinaire, non pas fasciné par l’émotion, encore moins transi de plaisir.

  • Peut-on ne pas parler de Trump

    C’est un groupe de folk qui se produit en Europe. Ils racontent qu’ils se sont lancé un défi : passer une journée entière sans parler de Trump, sans prononcer son nom. Ils n’ont toujours pas gagné leur pari. Renaud Girard, dans le Figaro, raconte à peu près la même histoire. Après une semaine passée aux États-Unis, il rapporte comment les chaînes d’information sont littéralement obsédées par Trump. Que ce soit CBS ou FoxNews, c’est Trump 24 heures sur 24. Sur CBS, c’est un exercice de critique qui se transforme en minutes de haine, en 24 heures de haine. Sur FoxNews, c’est plus nuancé, qui passe d’un support sans conditions à une position plus prudente. C’est toute l’Amérique qui est obsédée par ce personnage tellement il est hors de la norme d’un président ordinaire, ou comparable à d’autres figures politiques familières.

    Tout le monde s’accorde à le juger inculte, vulgaire, brutal, sans aucune pudeur. Pour autant, et Renaud Girard le rappelle, ce personnage extravagant n’a pas provoqué de catastrophes. À comparer avec le si correct George W Bush, il n’a pas des millions de morts à son passif ni de guerre déclenchée sous un faux prétexte.

    D’autres commentateurs soulignent combien Trump réussit à faire l’actualité jour après jour. Pour cela, ils lui accordent un formidable talent politique. Je suis, bien sûr, réservé par rapport à ce jugement car je ne mets pas le talent politique dans le fait de faire l’actualité. Mais c’est sans doute ça qui a permis son élection. Il fascine tout le monde, électeurs comme commentateurs. C’est un Sarkozy à la puissance dix, quand lui aussi se démenait pour toujours être en avance sur l’information puisque c’est lui qui la créait. Mais il arrive toujours un moment où ce n’est pas l’homme politique qui crée l’événement mais l’événement qui arrive sur lui, il en devient parfois la cible au lieu d’être celui qui lance la flèche. C’est peut-être aussi ce qui est en train d’arriver à Macron. Pour l’instant, malgré le tir de barrage de la presse américaine, de l’obsession du soi-disant complot russe, on ne peut que constater que Trump passe à travers les balles. Ce qui fait que je maintiens mon pronostic sur sa survie politique.

  • Florence Parly : Un moment de lucidité

    Elle déclare que l’on ne peut plus compter sur le soutien américain en tout lieu et en toute circonstance. En conséquence il faut avoir une politique de défense autonome, au niveau européen

    Elle vient de découvrir ce que n’importe qui peut et doit savoir, qu’en dernier ressort, on ne peut compter que sur soi-même pour sa défense nationale. On peut avoir des alliés, mais ce ne sont que des alliés qui nous aideront s’ils le souhaitent et si c’est leur intérêt à ce moment. Mais nos cercles dirigeants ont tellement pris l’habitude de se réfugier sous le parapluie américain qu’ils n’imaginent même plus que celui-ci puisse être refermé à tout instant. L’avantage de Trump est qu’il proclame bruyamment ce qui se faisait plus poliment auparavant. On peut peut-être espérer une prise de conscience de nos dirigeants. Plus probablement, ils pensent que l’épisode Trump est un mauvais moment à passer et que tout redeviendra comme avant. Sauf que, comme avant, c’est comme maintenant, en plus discret.

  • Jacques Attali et 2030

    Je regarde avec intérêt cette conférence de Jacques Attali à Polytechnique. C’était en 2015, et je tombe dessus par hasard en me baladant sur Youtube. Il parle sans notes, en expliquant que pour comprendre ce que l’on dit, il faut l’avoir en tête et non pas sur papier. Pourquoi pas ? Il essaie de dégager de grandes tendances dont il pense qu’elles se prolongeront jusqu’en 2030. Parmi celles-ci, il pense que l’aspiration à la liberté individuelle est une aspiration très ancienne qui perdurera, au moins en Occident. Il a sans doute raison, tout en soulignant que cette caractéristique est propre à l’Occident et qu’il n’est pas exact de l’attribuer au reste du monde. Associée à cette aspiration et censée y répondre, est le marché. Le marché tel qu’on l’entend en économie, le marché qui permet à chacun de répondre à ses besoins sans que rien d’autre que la limitation des moyens interférents. Ce marché est mondial, ses acteurs aussi, alors que la loi reste sous la dépendance des états, à l’intérieur des frontières. Il y a là une contradiction de fond qui n’est pas résolue.

    Pour Attali, on le sait, cela ne pourrait être réglé que par un gouvernement, au moins des règles mondiales. Il y a bien des tentatives en ce sens, des réunions de chef d’État, des organisations internationales, mais à part des photos de groupe, peu de résultats concrets en sortent. D’après lui, l’histoire nous enseigne que ce type de contradiction se résout le plus souvent par un retour aux frontières plutôt qu’à une organisation transnationale.

    Passant à la géopolitique, il affirme que les États-Unis resteront la première puissance mondiale, même si son pouvoir continuera à décliner. Il ne pense pas que la Chine deviendra la prochaine superpuissance. Selon lui, la Chine a trop de problèmes à résoudre en interne, comme son système de retraites, pour s’imposer au niveau international. Ce n’est d’ailleurs pas sa tradition. Elle devrait se contenter de défendre ses intérêts, son approvisionnement en matières premières, sans se mêler plus des affaires du monde. Il compare la situation actuelle à la fin de l’Empire romain, qui déclinait doucement, sans être remplacé par une autre puissance. L’empire déclinait alors que le monde se romanisait. Aujourd’hui, c’est pareil. Le monde s’occidentalise continuellement, s’américanise, pour être plus précis alors que les États-Unis déclinent doucement.

    Il donne quelques chiffres, à propos de la population, une des seules prévisions dont on est à peu près sûr. Dommage que ses chiffres soient faux. Oui, la population de l’Inde dépassera celle de la Chine. Oui, la population de l’Afrique va encore augmenté, sans doute aux alentours de deux milliards en 2030. Mais non, il n’y aura pas plus de Turcs que de Russes, et sûrement pas plus de Nigérians que de Chinois.

    Au total, et en fin de conférence, on n’en sait pas beaucoup plus sur le monde en 2030, même si l’ensemble du propos n’est pas inintéressant.

  • La "science" économique

    Je parcours le journal « Capital », un journal qui défend le libéralisme et le libre échangisme. Justement, voici un article qui veut nous mettre en garde contre les idées protectionnistes qui commencent à ressurgir. On nous fait donc un tableau très alarmant des conséquences du protectionnisme : baisse du pouvoir d’achat, guerre commerciale, impossibilité de rapatrier certaines productions. Pour appuyer cette apocalypse, un encart nous rappelle que la science économique a démontré depuis longtemps les avantages du libre échangisme. Que ce soit Adam Smith ou Ricardo, l’affaire est entendue depuis le XVIIIème siècle. Ainsi Ricardo, prenant l’exemple du Portugal et de l’Angleterre a, ou aurait démontré que chacun de ces deux pays avait intérêt à se spécialiser dans ce qu’il sait faire de mieux plutôt que de tenter de tout produire par lui-même.

    Personnellement, je ne connais pas le contenu détaillé de la dite démonstration, si tant est que c’en soit une. Je remarque seulement que la science économique du XXIème siècle s’appuie sur des théories du XVIIIème siècle. C’est comme si la physique n’avait pas bougé depuis Newton. Alors que la physique s’occupe de phénomènes immuables qui sont les mêmes depuis la création du monde, ses théories évoluent et progressent au fur et à mesure des siècles, des raffinements successifs et des nouveaux paradigmes.

    En économie, où tout a changé depuis 300 ans, on continue à s’appuyer sur des théories anciennes et très certainement dépassées. Que vaut aujourd’hui, une théorie de Ricardo qui ne connaissait que quelques pays européens tous similaires, quand nous vivions dans un monde de plus de 7 milliards d’hommes répartis dans des pays aux systèmes économiques et sociaux si différents ?

    Comme l’écrit Michel Volle : « Une théorie se dégrade en doctrine lorsque ses résultats, détachés des hypothèses dont ils résultent et de la situation à laquelle elles répondent, sont affirmés comme des vérités inconditionnelles : la doctrine soumet la relation entre la pensée et l’existant à l’affirmation de certaines valeurs ou à une orientation politique. »

     

  • Le théorème de Thévenin

    Un matin de vacances, je ne sais plus pourquoi, je recherchais le nom du physicien auteur de ce théorème. Ce sont des souvenirs de mes études d’informatique à l’AFPA d’Angers qui se présentaient alors. Le nom du professeur d’alors est revenu instantanément : Maurice Gourichon, un nom qu’on n’oublie pas. C’était son théorème favori. Ça ne m’a absolument pas servi par la suite, pourtant nous y avons passé plusieurs jours, quelques semaines même. Mais alors, impossible de retrouver le nom. À force de creuser, je suis devenu à peu près sûr de la syllabe finale, en tous cas, du « in ». Ça se termine en « in ». Sans savoir pourquoi, j’avais cette certitude, sans aucun doute. Il reste à trouver le reste. Je sais aussi, que ce théorème des tensions électriques est associé à son équivalent pour les intensités. Je sais aussi que cet autre théorème est dû à un anglais. Si je retrouve l’anglais, par association, je devrais retrouver le premier. Mais, je ne retrouve pas celui-là non plus. J’essaie différents noms en « in » qui me reviennent à l’esprit : Masselin, Perrin. Non, ça ne va pas. Au bout d’un bon quart d’heure d’effort, je tenais la première lettre. Ça commence par un T. Après, c’est devenu facile. Presqu’aussitôt après le T et le « in » final, je retrouvais mon Thévenin. Tout de suite après, je retrouvais son collègue anglais : Norton. Inutile de vérifier si ce sont bien les deux bons noms ; je suis sûr de leur exactitude.

    Que se passe-t-il dans le cerveau pendant ce temps. Y a-t-il une espèce de moteur de recherche qui va explorer les neurones et les interroger à partir de ces faibles indices. Saint Augustin posait déjà la question dans ses Confessions. Il ne pouvait faire guère plus que de constater comme certains souvenirs remontent instantanément, quand d’autres sont plus difficiles à atteindre. Mais quand ils sont là, on a la certitude qu’ils correspondent bien à la réalité passée. Pourtant, on est parfois trompé, et il arrive qu’on reconstitue des souvenirs à l’image du présent.

  • 50 chansons des Beatles

    On a demandé à divers musiciens actuels leur chanson préférée des Beatles. Il y en a cinquante. Je les connais quasiment toutes, et suis capable de les fredonner. Sauf « and your bird can sing » et « two of us ». Du coup, je les écouterai ce soir. Si j’avais à en rajouter une ou deux ce serait « birthday » « back in the USSR » sur le double blanc, « girl » sur Rubber Soul.

    Je ne sais pas si je serais capable d’en trouver aussi cinquante des Stones. Il faudrait que j’essaie de me faire ma liste. Je devrais y arriver. Quelle est ma préférée du moment ? Non pas un ultra classique des stones traditionnels avec Brian Jones (les stones ne sont plus les stones depuis qu’il n’est plus là, comme disent les connards), ou de la grande période Mick Taylor (les stones n’ont jamais été aussi bon qu’avec Mick Taylor comme disent les mêmes connards), mais un titre plus récent comme « rough justice » ou « doom and gloom »

    Strawberry Fields Forever, A day in the life, I want to hold your hand, Here comes the sun, Blackbird, Tomorrow never knows, Across the universe, While my guitar gently weeps, I am the walrus, Hey Jude, Hey bulldog, In my life, Let it be, Something, Abbey Road Medley, Ticket to ride, Paperback writer, For no one, A hard day’s night, Come together, Revolution, Yesterday, Twist and shout, All you need is love, We can work it out, Norvegian wood, Eleanor Rigby, Got to get you into my life, Penny Lane, And your bird can sing, I saw her standing there, Ger back, Michelle, She loves you, All my loving, Taxman, Dear Prudence, Here there and everywhere, Lucy in the sky with diamonds, Rain, Help, Two of us, Can’t buy me love, I want you (she’s so heavy) Nowhere man, Long, long, long, She’s leaving home, Julia, You’ve got to hide your love away, With a little help from my friends

  • La comtesse de Tende (Madame de la Fayette)

    « Il crut voir la vérité, mais il lui restait néanmoins ce doute que l'amour−propre nous laisse toujours pour les choses qui coûtent trop cher à croire. »